Et si en 2015, on voyageait tous comme ça ?

The_Darjeeling_Limited

 

« – C’est pris où, ta photo de gratte-ciel ? À New York City ?
– Non, à Koweït City. »
« – Wah, l’anaconda ! C’est au Brésil ?
– Non, au Guyana. »

Ils sont là, sur la carte du monde. Ils ne sont pas en guerre ni réputés plus dangereux ou dictatoriaux que d’autres. Ils ne sont pas forcément plus lointains. Ils ne sentent pas mauvais. Ils ont des villes, des plages, des gens, une culture, des hôtels, des marchés, des monuments, des atmosphères dépaysantes. Ils sont, dans l’absolu, des destinations touristiques potentielles comme Venise, le Vietnam ou Vierzon. Pourtant, qui – QUI ? – a déjà lancé à la ronde : « On part backpacker avec un pote au Surinam » ? Qui, au moment d’aller en Asie, a checké les tarifs pour Port Moresby, la capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée ?

Eux, ce sont les pays dont on n’a pas d’images en tête, ceux sur lesquels on ne lit jamais rien, ce sont les grands oubliés des voyageurs internationaux. Pas seulement les oubliés du tourisme : votre oncle qui passe tous ses étés en club à Djerba n’y a jamais foutu et n’y foutra jamais le bout de sa tong, c’est certain. Mais qu’en est-il de son fiston, votre cousin garni de bracelets ethniques qui vous prend de haut quand vous revenez de Thaïlande en vous disant que « Ouais, tu vois, moi quand je voyage, je suis pas un touriste, je suis un voyageur. J’aime quand c’est authentique, c’est là où les gens sont vraiment cools » ? Soyez en sûr(e), lui non plus ne foutra jamais le bout de son bracelet en perles à Port Moresby.

La prochaine fois, répondez-lui, à cet enfonceur de portes d’embarquement ouvertes, que s’il veut de l’authenticité, plutôt que d’aller crapahuter dans les hauts plateaux boliviens comme tout le monde, il pourrait pousser jusqu’au Paraguay. Que plutôt que d’aller une énième fois encourager la déforestation galopante en allant faire du tourisme à Bali, on pourrait tous choisir de se la donner à Bandar Seri Begawan, la capitale du sultanat de Brunei. Que plutôt que d’aller en Afrique de l’Ouest voir la vie en vert-jaune-rouge, on devrait partir admirer l’architecture italianisante d’Asmara, la capitale de l’Érythrée.

En cette nouvelle année, pourquoi ne nous dirions-nous pas que plutôt que de planifier un tour du monde passant par toutes les destinations usées jusqu’à la corde par un imaginaire qui était alternatif il y a cinquante ans, quand personne ou presque n’avait voyagé nulle part, on pourrait vraiment explorer la planète en allant dans ces pays ou ces régions oubliés du tourisme mondial. Et se lancer dans des voyages vraiment alternatifs. De ceux qui font lever au plafond les sourcils des douaniers de Roissy, qui choisissent de rameuter tous leurs collègues pour une triple fouille paranoïaque.

Le monde est bourré d’incontournables. Courons bouffer New-York, nous prélasser en Thaïlande et tâter de la vague en Australie. Ne passons pas à côté de tout ça en voulant à tout prix marquer notre différence. Mais allons aussi en Albanie, au Kirghizistan, au Surinam et en Guinée Équatoriale. En chemin pour San Francisco, arrêtons-nous à Oakland. En fonçant admirer les plages de Bali, n’oublions pas de passer par Florès. Et après avoir vu le Taj Mahal, ne négligeons pas les îles Andaman.

En bref, en 2015, donnons aussi leur chance à ces pays et à ces régions où personne ne va.

Bonne année à tous. Et longue vie à Port Moresby.

 

La rédaction